mardi

Such is life (14 mars - 16 avr. 2011)

 
 Falls Creek, Victoria state, Australia

      Lundi matin 10h, il est temps de décoller de chez Michael et de prendre la route pour un trajet de près de cinq heures de temps. Au préalable, un arrêt à la fac s’impose pour récupérer du matériel et prendre au passage Manaswini, jeune femme hindoue en thèse dans le même département de recherche que nous, avant d’aller faire les courses pour la semaine de terrain. Vers mi-chemin de Falls Creeks, nous nous arrêtons à Milawa, petite bourgade qui fait apparemment un jus de pomme exquis et possède une fabrique de fromage qui n’aurait rien à envier aux fromages français… Nous sommes curieux de vérifier ces dires. Arrivés à l’intérieur du Cheese Factory, nous allons goûter de ce pas les différents fromages. Pâte molle ou pâte dure, vache ou chèvre, ils ont du choix à l’intérieur c’est le moins que l’on puisse dire. Et il s’avère que le fromage fabriqué ici est d’excellente facture : relevé, frais, possédant du caractère quoique certains soient tout de même un peu trop fermes. Nous nous réconcilions donc définitivement avec le fromage australien bien qu’ils aient la curieuse manie de tester et de manger le fromage avec des biscuits ! Pour la semaine de terrain qui nous attend, nous optons pour un fromage de chèvre et un bleu coin. En plus ça tombe bien, Michael a eu la bonne idée de rapporter quelques bonnes bouteilles de rouge… Le début s’annonce prometteur ! Finalement vers 18h, nous arrivons dans les montagnes à notre destination. Bien que nous soyons également dans les Snowy Mountains, le décor est vraiment différent du Mount Kosciuszko que nous avions visité précédemment. Ici, les versants des montagnes sont peuplés d’eucalyptus morts. Ces longs arbres filiformes tout de  blancs vêtus, sortes d’excroissances pilifères appartenant peut-être à quelque géant des montagnes endormi depuis les temps anciens, confèrent une atmosphère fantasmagorique particulière. Et ce n’est pas tout… En plus de l’appartement confortable dans lequel nous dormons, nous avons pour nous tout seul un vieil hôtel construit il y a des décennies. Avec ce paysage étrange de montagnes et cet hôtel vide (« Hey Lloyd ! C’est le désert, ce soir. Hahaha !! »), c’est un peu comme si nous étions logés dans une version réduite de l’hôtel Overlook bien qu’il semblerait qu’il n’y ait pas de Jack Torrance, hache à la main, rodant aux alentours ! 
 
 Notre hôtel
 
 
     Après un excellent repas (Mana étant un véritable cordon bleu) et une bonne nuit de sommeil, nous nous levons aux aurores pour entamer notre semaine de terrain dans l’étage alpin situé à quelques 1800 mètres d’altitude. Nous avons 20min de voiture suivi d’une bonne demi-heure de marche dans les alpes australiennes avant d’arriver sur les lieux. Au programme des réjouissances, nous nous séparons en deux équipes. Avec Michael, il s’agit de poser des pièges pour attraper les espèces recherchées tandis qu’avec Mana, nous tentons de dénombrer la présence et le nombre de cocons ayant contenu ou contenant les larves de casemoth, espèce proche des papillons, dans un périmètre donné qui se trouve soit dans l’environnement naturel soit dans des chambres de plexiglas qui augmentent artificiellement la température d’un degré. Le but de ces deux travaux de terrain sera de voir l’effet du réchauffement climatique sur certaines populations locales et de l’impact écologique qui peut en découler. Le temps est très changeant, passant du soleil à la pluie, et la température reste peu élevée même en plein soleil. Au cours de la semaine, notre petit groupe se voit élargit par la venue de nouveaux arrivants. Nous sommes tout d’abord rejoints par Rachel, étudiante à Canberra, qui aimerait faire une thèse à Melbourne et que Michael a gentiment invité à venir nous assister. Puis, c’est au tour de Jess, accompagnée de ses parents en vacances, d’arriver à Falls Creek pour du travail de terrain nécessaire à ses recherches. Avec toutes ces personnes venues d’un peu partout, nous passons du bon temps, le plus souvent autour d’un excellent dîner. En fin de semaine, nous quittons les lieux  avec Michael et Manaswini pour nous diriger plus au Sud vers d’autres montagnes. Nous allons là-bas pour récolter d’autres individus issus de populations différentes de casemoth et qui serviront à Mana pour des comparaisons génétiques entre ces populations. Et puis surtout, nous sommes invités le weekend pour les 50 ans d’Henrik, un collègue de Michael habitant dans la région. Nous partons ainsi aVictoria Stateux sommets de Mount Buller et Mount Stirling qui offrent de très belle vue du paysage. Mais si pour le premier mont l’ascension en voiture se fait sans accroc, on ne peut pas en dire autant pour le second. Avec la voiture de Michael, nous essayons d’atteindre le sommet en empruntant une des pistes noires. Le chemin est chaotique et plus d’une fois, nous sommes à la limite de la rupture avec le dessous du véhicule heurtant le sol miné par les nids-de-poules et dont les blocs rocheux émergent au gré du relief sinueux du chemin. C’est rock’n roll, Michael débitant des phrases joliment assaisonnées de « fuck » à tout va et priant que sa "Betsy" ne rende pas l’âme sur place, Mana malade à l’avant et nous le sourire aux lèvres, contents de ne pas avoir emmené notre van dans cette galère. Finalement, les talents à la Sébastien Loeb de Michael nous emmènent à quelques 500m du sommet et nous terminons les derniers mètres à pieds. Après cette montée épique et avoir prélevé les échantillons, nous nous rendons directement à la fête d’anniversaire qui a lieu dans la maison de l’intéressé. En cette fin d’après-midi et après avoir cavalé un peu partout, nous sommes bien contents d’aller prendre un peu de bon temps en compagnie de personnes qui nous sont totalement inconnus.
 
 Le site expérimental


 
Michael et Mana 

 Flancs de montagnes peuplés d'eucalyptus

Jess en plein boulot



 Mount Buller
 

         La baraque se situe au milieu de nulle part au pied des montagnes. Henrik, notre hôte, vit dans cette maison avec sa femme, son grand frère (Michael qui ressemble énormément à Mammouth dans les bd de Fluide Glaciale !!) et la femme de ce dernier. Ils ont vendu leurs maisons respectives pour acheter un vaste terrain sur lequel ils ont construit la maison qu’ils ont toujours rêvée d’avoir. Cela leur a pris 9 ans pour la construire (temps pendant lequel ils dormaient dans des tentes) et même si tout n’est pas encore fini à l’intérieur, le résultat en vaut largement le cou. C’est un petit coin de paradis. Un espace habitable de près de 250m2 de plein pied, aménagé au bord d’une rivière qui délimite l’entrée d’une réserve naturelle boisée (la femme d’Henrik y travaille en tant que rangers) où de nombreux wombats viennent se nourrir à la nuit tombée. La maison étant située légèrement en hauteur, elle offre un magnifique point de vue pour admirer le soleil couchant en contrebas. Au niveau des installations, ils ont essayé au maximum de pVictoria Staterofiter des énergies renouvelables en utilisant par exemple de la paille pour l’isolation de la maison, l’eau de pluie pour la douche et les toilettes, les panneaux solaires pour chauffer l’eau et prochainement pour apporter l’électricité. Ils ne se sont pas pour autant arrêtés là. Ils ont également aménagé une réserve d’eau faisant office de piscine par beau temps, un poulailler, un petit élevage de cochons et construit leur propre fourneau à pains. Ils comptent à terme ouvrir une sorte de boulangerie familiale ! Nous sommes littéralement scotchés en les écoutant raconter leur histoire dans un mélange de respect et d’admiration devant tout ce travail accompli et le courage qu’il a fallu pour se lancer dans l’aventure. Et puis, nous apprécions particulièrement la simplicité de la vie qu’ils ont choisie et l’accueil chaleureux qu’ils nous réservent alors même que nous ne les connaissons pas. Nous installons la tente dans le "jardin", fin prêts pour passer un agréable weekend. Une quarantaine de personnes sont conviées, de nombreux succulents mets sont à disposition (dont une excellente ratatouille !) ainsi que des bons vins australiens. L’ambiance est vraiment excellente et il est très aisé de discuter avec tout le monde. Nous faisons notamment la connaissance d’un français qui vit ici depuis neuf ans avec une australienne. Il a exercé de nombreux boulots ici dont un qui consistait à sauter sur des lamantins pour leur poser des balises Argos ! Nous rencontrons ainsi tout un tas de personnes d’origines différentes et partageons nos histoires respectives avec plaisir. Le weekend passe rapidement et c’est presqu’avec regret que nous retournons à Falls Creek terminer notre travail de terrain. Une fois le boulot accompli, nous prenons une dernière après-midi de repos avant de mettre les voiles. Sur le trajet nous conduisant à Melbourne, Michael ne peut s’empêcher de nous emmener chez un excellent caviste à Milawa. La personne qui nous fait déguster les vins s’avère être un excellent œnologue et très intéressant à écouter qui plus est. Il nous fait découvrir de nombreux vins délicieux provenant de différents cépages australiens. A l’honneur, du vin blanc fruité rappelant le Gewurtz Straminer, du Riesling, du Pinot gris, du Shiraz au fort tannin etc. Nous repartons finalement avec trois caisses de vins.
 
 Choix de l'itinéraire à suivre
 

 
 Henrik, c'est le type avec la chemise à fleurs au fond à droite !

       Au retour de Falls Creek, les deux dernières semaines passent très vite entre le travail à l’université, les soirées et les moments de détente. Nous commençons à entrevoir la fin du stage et nous devons alors nous occuper de trouver un dernier boulot rémunéré pour début avril et de penser à la revente (en tout cas on l’espère) du van. Michael décide de nous aider pour la recherche de taf en nous faisant profiter de ses contacts dans le milieu agricole. Ainsi en fin de semaine, nous avons une liste de fermes à aller visiter du ôté de la ville de Monbulk à quelques 50km au Nord-est de Melbourne. La température là-bas est nettement plus basse du fait qu’on se trouve un peu plus haut en altitude. Dès notre arrivée, nous démarchons toutes les fermes susceptibles de pouvoir nous embaucher : culture de fleurs, de vignes, de baies en tout genre. Finalement après plusieurs recherches infructueuses, nous tombons dans une ferme qui recherche du monde pour la cueillette de framboise pour le début avril et seulement pour deux semaines. Les dates correspondent parfaitement avec ceux que nous voulons faire. Du coup, nous nous donnons rendez-vous le vendredi prochain (dernier jour de stage) pour un "entretien d’embauche". Content de ne pas avoir fait de la route pour rien, nous rejoignons notre bar habituel du vendredi soir, le Bev & Mick’s. Peu de monde de notre connaissance n’est là car la plupart sont partis voir le concert de musique classique que donne l’orchestre dont fait partie Pip. Ce n’est pas grave, nous aurons tout le temps de retrouver tout ce beau monde pour la soirée avec DJ, organisée après le concert dans des plus anciens buildings de Melbourne. En attendant, nous rencontrons encore de nouvelles personnes bien sympas que sont Sarah, travaillant également à l’université, et Marcus qui revient tout juste d’un an voyage en Europe (Barcelone) où il travaillait en tant que cuistot dans le yatch de Bernard Arnault, président multimilliardaire de Louis Vuitton! Nous en profitons pour affiner encore un peu plus notre compréhension du langage typiquement australien en discutant du cockrock (rock commercial dont on aime bien se moquer !) ou bien encore des redneck (tendance à catégoriser les façons de vivre des gens en fonction de leur provenance). Vers 19h3O, comme tous les vendredis, les barmans organisent un jeu de loterie. A chaque fois que tu prends un verre, tu reçois un certain nombre de numéros d’une certaine couleur. Lorsque la loterie démarre, le barman tire un numéro au hasard. Si personne n’a ce numéro, il recommence jusqu’à ce que quelqu’un du pub l’ait également. Le gagnant se voit proposer de jouer à un quitte ou double lui permettant de gagner jusqu’à 2000 dollars s’il va jusqu’au bout. Pour gagne le gros lot, il faut que le barman tienne en main un des deux joker du jeu. Le barman regarde ensuite la carte et émet son offre : continue ou bien gagne une tournée générale, cinq litres de bières, un paquet de cigarette etc. A chaque fois que le joueur décide de continuer, le barman change son offre et au bout du troisième tour il retourne la carte pour voir si c’était la bonne et permettre ainsi au joueur de remporter les 2OOO dollars. Pour le moment, aucun d’entre nous n’a gagné à la loterie mais fort heureusement, le gagnant choisit la tournée générale (fortement encouragé par les clients du bar il est vrai) la plupart du temps !

       En ce qui concerne la revente du van, nous écrivons un texte descriptif du véhicule van qui tente de le mettre le plus possible en valeur. Outre les références d’usage (marque, kilométrage, REGO payé jusqu’à mars 2012, etc.), nous signalons les réparations déjà effectuées ainsi que le matériel de camping acheté auxquels nous ajoutons des photos du van. Nous décidons de commencer la vente à un prix de 3000 dollars. Nous ne savons pas si l’engin vaut ce prix-là mais bon, nous verrons bien. Reste plus qu’à aller placarder des affiches un peu partout dans le maximum d’auberge de jeunesse de Melbourne ainsi que de mettre des annonces sur les principaux sites internet et le tour est joué. Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu et nous essuyons bon nombre de revers dans la revente du véhicule et ce même après avoir fait baisser le prix. Pour couronner le tout, notre plan de travailler à Monbulk tombe à l’eau à cause du mauvais temps qu’il a fait cet été dans le Victoria. Il devient alors nécessaire de vendre coûte que coûte le van si nous ne voulons pas avoir de futurs problèmes d’argent. Au bout de deux semaines, toujours rien de concret si bien que nous commençons sérieusement à douter que nous revendions un jour ce foutu van. Fort heureusement, ce contretemps nous permet de continuer à profiter de Melbourne en passant d’agréables moments avec les personnes dont nous nous sommes liés d’amitié. Il y a toujours des trucs de prévus : anniversaires, concerts, soirées, restaurants etc. Ainsi, nous prolongeons notre vie de citoyen de Melbourne avec un plaisir non dissimulé car plus le temps passe et plus nous apprécions cette ville. Et puis finalement en fin de semaine, nous recevons l’appel d’une jeune femme, prénommée Lou, qui semble très intéressée par notre van. Elle travaille à 300km de Melbourne mais propose de se donner rendez-vous le vendredi soir pas loin d’où nous logeons. Nous acceptons bien évidemment en espérant cette fois-ci que les bruits étranges que produit le van, la clef cassée ainsi que le voyant d’huile toujours allumé ne la fassent pas fuir ! Le soir venu, elle arrive donc  à l’heure en compagnie de son ami Marcus. Très vite la mayonnaise prend avec eux et on sent rapidement que ça va être dans la poche. Le fait que ce sont comme nous des backpackers facilite vraiment les choses. Lou est partie d’Angleterre voici quatre mois avec le même visa que nous en poche. Elle a directement commencé à travailler pour pouvoir se payer un van et des vacances bien méritées. Marcus, quant à lui, a quitté l’Irlande depuis près de deux ans mais est toujours resté sur la côte Est. Ils se sont rencontrés pendant leur job de fruit picking et ont besoin rapidement d’un van pour pouvoir voyager. Nous tombons pour ainsi dire à pic. Malgré les quelques problèmes que possède le véhicule, Marcus et Lou sont très enthousiasmés par ce qu’on leur propose. En très peu de temps l’affaire est conclue. Le van est adjugé après discussion pour $1675 et deux pintes de bières ! Après les détails techniques, la signature pour les papiers, le transfert d’argent et les bières sifflées, nous nous donnons rendez-vous le lendemain matin pour la remise des clefs et dire au revoir à notre compagnon de route que nous avions affectueusement surnommé « Estevan, le mérou d’or ». Nous sommes plutôt contents de le revendre à des voyageurs qui vont tenter de faire eux-aussi le tour de l’Australie avec. Bonne chance à eux ! Quant à nous, nous pouvons enfin commencer à préparer nos affaires pour notre dernier voyage au pays d’Oz… En route pour l’île de la Tasmanie.

 Entrée de chez Michael
 
 Bandicoot très peu sauvage


Nous laissons notre van entre les mains de Lou