vendredi

Hakuna Matata (05-13 déc. 2010)


Exmouth, Western Australia state, Australia



  « Naaaaah touwegna tsoubabiii tsoubaboo héhé wenaaa ah... Un matin de la vie sur la planète, éblouit par le Dieu Soleil… », nous nous réveillons en douceur et de bonne humeur par ce temps estival. L’objectif de ce premier jour de vacance pour notre équipée sauvage, forte d’une nouvelle recrue, est de profiter des eaux turquoise et chaudes de l’Océan Pacifique ! Dans une ambiance oisive de bon aloi, nous en profitons également pour pique-niquer sur une plage quasiment déserte, mis à part le défilé hétéroclite d’oiseaux de toutes plumes qui viennent se nourrir de poissons ou bien encore de fruits de mer. C’est ainsi que nous pouvons observer à loisir des mouettes, des goélands, des cormorans, des pélicans, des huitriers-pies, des sternes et même un faucon de passage qui se côtoient en toute tranquillité. Ce lieu de détente, idéal pour se dorer la pilule fait oublier très vite à Pauline le temps hivernal qui règne à l’autre bout du globe. Néanmoins, pas le temps de trop s’attarder car nous décidons de passer la majeure partie des trois semaines qui nous sont allouées pour visiter une bonne moitié de la côte Ouest de l’Australie où une faune marine exotique nous attend. Après avoir fait une promenade rapide de Perth et de ses alentours, nous faisons le plein de ravitaillements et nous traçons la route direction Shark Bay  Marine Park (la baie du requin !), à quelques 800km de Perth, où se trouve Denham la ville la plus à l’Ouest d’Australie.


 

Pélicans

 
Guillaume et Pauline


     A l’entrée du parc nous nous dirigeons vers Shell beach (la plage du coquillage) qui abrite un nombre incalculable de stromatolithes. Ces derniers sont des cyanobactéries (organismes marins microscopiques de couleur bleu-vert présents sur Terre depuis 3,5 milliards d’années et ayant fortement contribué à la formation du dioxygène dans l’atmosphère) qui se sont agglutinées pour former au cours de milliers d’années nombre d’agrégats comme des champignons juste sous la surface de l’eau. On les trouve au bord d’une plage entièrement constituée de coquillages très compacts ! SI l’ensemble de ces strates de coquillages reste aussi soudé c’est essentiellement dû à la pluie qui décalcifie, en partie, les coquillages créant ainsi du carbonate de calcium qui fait office de ciment. Ce type de formation biostratigraphique, rare au niveau mondial, se révèle très impressionnant. Le lendemain midi, nous arrivons finalement à Denham. Cette petite ville côtière est très sympathique avec sa plage de sable blanc et ses émeus qui se baladent sur la route comme ça, l’air de rien. Nous passons toute notre journée sur la plage à nous baigner et à profiter de ce temps magnifique. Qu’est-ce que ça fait du bien de buller ! Le décor paradisiaque qui nous entoure, le farniente et le sentiment euphorisant de savoir que nous sommes pressés par aucune contrainte permet à nos esprits de vagabonder et de se perdre dans les limbes d’une rêverie enjôleuse. Il règne ainsi une ambiance "Buena Vista Social Club" qui nous va comme un gant… A quelques kilomètres de là se trouve la plage de Monkey Mia, lieu parfait pour observer des dauphins du bord de l’eau. Ces derniers forment un groupe de cinq individus, dont deux très jeunes dauphins, qui sont étudiés par des biologistes. Pour les attirer à eux et enregistrer notamment  leurs communications inaudibles pour l’Homme, les chercheurs les nourrissent (légèrement à hauteur d’un poisson par individu pour qu’ils gardent leur instinct de pêcheur) trois fois dans la matinée à intervalles réguliers. Après cela, les dauphins repartent au loin mais restent tout de même dans le coin si bien qu’au cours de la journée, ils viennent régulièrement au bord de la plage. Nous avons même la chance de voir deux dauphins passer à un mètre de nous pendant que nous sommes dans l’eau !  Sur la plage une ribambelle de crabes se déplace sur de grandes distances pour aller de trou en trou. On peut ainsi observer des affrontements entre individus et apprécier leur vitesse de déplacement qui est très rapide (pas moyen de les attraper) ! D’ailleurs, cette espèce de crabe ne se déplace pas uniquement de côté mais également en ligne droite contrairement à ce que l’on pourrait croire. Pour égayer le tout, des émeus se promènent tranquilou sur la plage en n’ayant rien à secouer de la présence humaine… Quoi de plus normal ! Enfin cerise sur le gâteau, nous apercevons une tortue de mer près du bord et nous partons illico nager avec elle dans les fonds marins (à noter que se faire tracter par une tortue n’est pas aisé !).


Strates de coquillages



Conglomérations stromatolithiques


Ombres chinoises


 
Eagle bluff (falaise de l'aigle)


 
Michael Jackson style !


 
You can’t touch this !

 
Emeu en vacances à la mer


Ne serait-ce pas ce bon vieux Flipper ?!



Hey you !

 
 A la recherche du Bilby, le petit marsupial


Je suis Mû du Bélier !


     Nous continuons notre route en remontant encore plus vers le Nord pour atteindre le Ningaloo Marine Park qui se trouve être une des plus importante réserve sous-marine mondiale puisque qu’elle contient une bonne partie de la barrière de corail de la côte ouest (appelée la petite barrière de corail). La totalité du trajet se passe sous un soleil de plomb assommant. Notre eau se réchauffe à tel point qu’on pourrait pratiquement laisser infuser du thé dans les gourdes ! Par ailleurs, l’atmosphère est lourde et cette zone est très ventée, ce qui donne lieu à des cyclones en été. Pour l’heure, nous avons juste le droit à de petites tornades de sable et à un vent brulant qui nous est d’aucun secours dans notre recherche de refroidissement. Nous rencontrons également tout au long de la route un nombre impressionnant de vaches, de chèvres et de moutons en liberté. A un moment donné, une longue allée de palmiers borde la chaussée au beau milieu de nulle part. En s’approchant de plus près, nous nous apercevons qu’il s’agit d’un cimetière humain dont chaque tombe est représentée par un de ces palmiers. Etrange… Le contraste est d’autant plus saisissant que le paysage est très désertique et ressemble à la route que nous avions prise pour aller à Alice Springs. Seule la ville agricole de Carnarvon dénote avec ses grands champs de manguiers et de bananiers. C’est donc avec joie que nous retrouvons l’océan lors de notre arrivée dans le parc de Ningaloo.


Envol de galahs


Non ce n’est pas une imitation ratée d’Audrey Hepburn chez les Touaregs mais juste le retour des mouches


Pause déjeuné

 
 Arrivée dans les tropiques


     Nous nous arrêtons à la première plage venue, Coral Bay, sanctuaire de la diversité faunistique liée à la barrière de corail. Des lézards se déplaçant sur deux pattes (!),  gravitent sur les dunes de sables blancs. L’eau est tellement limpide au bord que nous voyons aisément les poissons qui nagent dans à peine 60 centimètres de profondeurs ! Un peu plus loin, toutes les teintes possibles et inimaginables de bleu sont présentes et forment un gradient azur enchanteur… Une fois les palmes, le masque et le tuba enfilés, nous nous jetons à la baille. Il ne nous faut pas plus de deux minutes pour atteindre les premiers coraux ! Le paysage sous-marin qui s’offre alors à nos yeux est splendide. On ne sait plus où donner de la tête. Des centaines d’espèces pour des milliers d’individus habitent les récifs coralliens. Nous avons affaire à un véritable hot spot sous-marin. L’énorme diversité faunistique qui existe dans la zone de la barrière de corail est une des plus importantes sur Terre avec la forêt amazonienne. Nous sommes complètement happés par la vie grouillante qui s’agite en-dessous de nous. C’est comme si on se trouvait dans un aquarium géant. Les nombreuses espèces de poissons sont de couleurs et de formes très variées. On y retrouve pêle-mêle : des poissons-lunes, perroquets, demoiselles, papillons, chirurgiens (Dori dans le film Némo) des scalaires etc. et bien d’autres dont nous ne connaissons pas le nom ou que nous n’avons jamais vu. Ils sont si proches de nous qu’on a l’impression qu’en donnant un bon coup de palmes on pourrait les attraper à la main (même si à chaque tentative la bestiole met juste ce qu’il faut de vitesse pour que tu sois hors de portée de quelques malheureux centimètres). Au détour d’un récif corallien, nous pouvons apercevoir une murène tapis dans son trou. Parfois, nous suivons les errements de petites raies marron bordées sur tout leur contour par un bleu foncé ou bien nous nageons en plein milieu d’un énorme banc de poissons… La beauté de ce monde du silence nous laisse sans voix !

     Le meilleur reste cependant à venir au Cape Range National Park dans le sanctuaire Mandu situé plus au Nord près d’Exmouth. Les plages de Lakeside, Turquoise Bay et Oyster Stacks sont des petits coins de paradis pour s’adonner au snorkelling (plongée sans bouteille). C’est un véritable feu d’artifice de couleur chez les poissons où toutes les nuances et tous les mélanges semblent possibles. Certains poissons sont à la fois violet, bleu foncé, bleu clair, orange, jaune et vert ! On observe évidemment les traditionnels espèces benthiques comme les oursins, les bénitiers, les escargots, concombres et étoiles de mer (et une espèce non-identifiée très bizarre et apparemment dangereuse). Nous pouvons également écouter les poissons se nourrir du corail, certains avec des longues dents qui dépassent de leur bouche. Nous observons le ballet des tortues de mer qui sont en pleine période de reproduction ainsi qu’à certaines occasions d’énormes raies de près de deux mètres d’envergure. Les coraux n’étant eux pas en période de reproduction (en mars-avril), ils sont pour la plupart blanc-gris même si certains gardent encore leur teinte verte, rouge, jaune, bleu ou bien mauve (et parabolique… Et vice-et-versa !). Parmi ce festival animalier de tous les instants, nous avons aussi l’occasion de rencontrer des animaux plus « dangereux » comme un serpent de mer, des poissons-pierres et même des requins à pointes blanches ou à pointes noires (dont un de plus de deux mètres) ! Lorsque l’on croise pour la première fois un requin dans son élément naturel, une légère montée d’adrénaline nous parcourt obligatoirement tout le corps bien que ces chondrichtyens préfèrent vaquer à leurs habitudes plutôt que de boulotter de la bonne chair humaine cuite à point par le soleil écrasant australien [il vient d’être dit chondrichtyens mais nous n’allons pas vous la refaire, vous savez à quoi vous en tenir avec ornithorynque].


 
Mario est sur Aussie Island !

 
Turquoise Bay
  
 On n’est pas bien là ? Détendu du gland…

  
« L’Australie… Oh non pas encore ! 

  
- Qu’est-ce tu veux … C’est le jeu ma pov’ Lucette ! »

  
Instant Kodak
 
 
La tortue se lutte

     Lorsque le soleil se couche, nous trouvons un endroit où arrêter le van et poser la tente en pleine nature où de nombreuses termitières parsèment le paysage du parc. Les nuits sont chaudes et étoilées près de la mer. Il est agréable de se poser devant l’océan en admirant les reflets argentés de la lune sur les vagues. Des crabes, avec une pince disproportionnée, sont présents tout autour de notre campement et nous pouvons entendre leurs pinces s’entrechoquer dans le noir. Au matin, nous pouvons observer un grand nombre d’émeus et de kangourous qui se prélassent près de points d’eau et cherchant à tout le peu d’ombre que peuvent leur fournir les quelques arbres rabougris éparpillés de-ci de-là. En harmonie avec le décor environnant, on est posé pépère : no soucy, no problemo…

 
Termitière taille Pauline

 
Kangourou en action


Kangourous aux aguets

Emeus

Perth Godfather (07 nov - 03 dec. 2010)

Les journées se suivent et se ressemblent… Tous les matins, nous marchons 15 minutes pour atteindre notre lieu de travail. Lorsqu’ils nous arrivent d’être légèrement en retard (ah bon ?!), Angelo nous chope sur la route et nous emmène en quad. Sous un soleil de plomb, flirtant parfois avec les 40°C, nous coupons encore et toujours des quantités astronomiques de pèches qui sont ensuite remplacées par des nectarines tout aussi nombreuses. Dans cette atmosphère liquéfiante, les heures s’allongent et nous ne parvenons plus à penser à demain parce que demain c’est loin. Tels Vladimir et Estragon attendant Godot, nous nous inventons alors des divertissements pascaliens pour meubler le temps. Du jonglage de nectarines aux charades en passant par des énigmes "Père Fouras style", nous cherchons le jeu le plus approprié afin de travailler efficacement tout en nous amusant. Et Le Jeu fut. Cela permet d’atteindre assez vite les 16h fatidiques qui mettent fin à la journée de travail. Nous profitons ensuite au maximum de la soirée pour nous délasser bien que la fatigue se fasse rapidement sentir. Lorsque ce moment survient, nous nous laissons alors sombrer docilement dans les bras de Morphée. Ce rythme dure ainsi jusqu’au jour de repos que nous attendons avec une envie exponentielle. Le dimanche c’est grasse mat’ assurée et mode glandage on. Tout juste nous nous occupons de tâches ménagères indispensables. Etant à la campagne, nous partons puiser l’eau dans une citerne (qui traite l’eau sous-terraine afin de la rendre propre à la consommation) pour faire la vaisselle et laver notre linge. Il suffirait juste d’un bon vieux Charles Ingal partant couper du bois pour se la jouer "petite maison dans la prairie". En fond sonore, ça se résume aux piaillements caractéristiques de cacatoès noirs à queue rouge ou jaune posés sur les branches d’eucalyptus (ils se nourrissent des fruits) et au "tritritri" façon cigale que produit une sorte de grosse mouche grise. Ces jours de détente ont malheureusement le goût de trop peu. Nous prenons conscience, dans ces instants-là, où nous nous trouvons réellement. Vivre dans des préfabriqués en pleine campagne australienne est une expérience particulière non dénuée d’intérêt. 

 
 Vue d'ensemble sur le verger, depuis notre cuisine


 
Cacatoès noir à queue rouge


Fruits de l’eucalyptus

Notre Home cinema

 Ce pain quotidien, qui est le notre semaine après semaine, est agrémenté par des averses espacées de manières cycliques. Lorsque la chaleur se fait trop forte, des nuages s’amoncellent le jour suivant jusqu’à ne former qu’un épais tapis nuageux blanchâtre recouvrant tout le ciel. On peut alors être sûr que la pluie va faire son apparition par succession de rapides averses durant les prochaines 48 heures. Cette modification du climat ambiant s’accompagne toujours d’une chute de température d’au moins 10°C. D’ailleurs, c’est précisément à ce moment-là que la bombonne de gaz servant à chauffer l’eau de la douche décide de rendre l’âme et nous nous retrouvons avec de l’eau froide au plus mauvais moment ! Angelito (que l’on aime nommer Juniorinho également) se soucie de notre bien-être et en vient à nous proposer de prendre des douches chez lui le temps de racheter une bombonne, ce que nous refusons poliment. En tout cas, nous apprécions le geste du fiston que nous trouvons très coolax. Lorsque nous changeons de rangées, il se ramène avec son chien Rocky (en hommage à cet acteur pétri de talent) pour manœuvrer la machine agricole et nous en profitons pour tailler le bout de gras dans un anglais qui s’améliore de jour en jour. Angelo, quant à lui, continue régulièrement de vérifier la qualité de notre travail en nous observant discrètement. Avec le temps, nous avons optimisé notre degré de vigilance en détectant au loin le bruit que produit son quad parfois masqué par le bruit de notre propre machine. Nous nous prévenons alors mutuellement par un retentissant « Quad O, Quad O ! », code d’alerte qui parodie ce que braillent les enfants des quartiers pauvres de Baltimore pour prévenir les dealers lorsqu’ils voient débouler la police. De même, le midi nous préparons un repas qui doit pouvoir se conserver facilement par forte chaleur, être bourratif et du meilleur rapport qualité/prix possible. Après quelques tâtonnements, cet optimal foraging correspond à un délicieux plat de riz mélangé avec des pois, le tout nappé d’une couche onctueuse de sauce tomate ! Il faut dire aussi qu’après plus de deux mois passés en Australie, nous sommes passés maîtres dans l’art de dénicher les meilleurs magasins à des prix imbattables. Les courses se font toujours dans les supermarchés Coles (et leur éloquent slogan : « Why pay more for everyday basics ? »), le vin à Liquorland, les objets fourre-tout (casserole, Tupperware etc.) à Reject Shop et l’essence et l’eau potable chez Caltex. Nous savons même quels sont les jours les plus intéressants pour acheter de l’essence vu que le prix varie hebdomadairement pour taxer le plus possible le touriste lambda !


 Miam-miam ! Wild beans ! You make my heat sing !


 
Schlagwuk


 Bien entendu, il nous arrive de nous faire remonter les bretelles par Angelo qui nous recadre dans nos errances passagères (ponctualité défaillante ou rendement en baisse). Il se montre alors intransigeant lorsqu’il nous fait des remontrances de sa voix calme et sans appel. Dans la langue d’Audiard, ça donnerait à peu près ceci : « Je ne voudrais pas vous paraitre vieux jeu ni encore moins grossier. L’homme du bush australien parfois rude reste toujours courtois mais la vérité m’oblige à vous le dire "boys" : votre rythme de gugusses endimanchés commence à me les briser menu ! ». C’est qu’il ne faut pas le rendre nervous breakdown le Angelo et comme dirait Fred Williamson dans l’ovni filmique  White fire : « Ma patience à des limites… Mais il ne faudrait pas exagérer ! ». Malgré tout, une fois passée l’admonestation, Angelo redevient décontract et prévenant à notre égard comme si rien ne s’était jamais produit. Néanmoins, ce coup de pied bien placé dans le derrière a le mérite de nous réveiller. Nous avons besoin de ce job le plus longtemps possible alors il nous faut rester concernés et attentifs. D’autant plus que les asiatiques employés par Angelo terminent leurs rangées de fruits à des vitesses qui frisent l’entendement humain. De deux choses l’une, soit ils ont trouvé une brèche dans le continuum espace-temps soit ce sont des cyborgs sur pile atomique Duracell. On en vient même à se demander s’il restera assez de taf pour aller jusqu’au bout des cinq semaines que nous avons prévus. Et comme le chante si justement Pierre Billon, nous nous sentons un peu : « Comme une Bamba triste ». Définitivement. Nous continuons tout de même notre dénectarinage de printemps et, l’air de rien, les jours de labeurs s’engrangent les uns après les autres. De toute façon, ça ne sert à rien de tirer des plans sur la comète. D’ailleurs, les plus grands philosophes de comptoir le disent bien : « Chaque chose en son temps ». Bref, alea jacta est et tout le toutime. 


5000 % machina !

Quelques frayeurs viennent pimenter toute cette routine quotidienne. Rien ne nous inquiète plus que de devoir payer des réparations sur le van, dépenses que nous ne prévoyons pas dans notre voyage. Alors autant dire que nous avons eu quelques craintes quand, un vendredi soir, alors que nous nous apprêtions à aller encaisser le chèque de la semaine, le van ne démarre pas. Pire, aucun bruit, aucune réaction. Le moteur est comme mort. La petite aventure qui en a suivi nous aura finalement donnée deux leçons. Tout d’abord, autant vous dire que tous les deux, en mécanique, on ne touche pas une bille (mais on danse le Mia). Ce qui exclut d’emblée la possibilité de trouver une solution par nous même. S’il ne se passe rien quand on tourne la clé de contact, alors tout ce qu’on peut faire, c’est observer qu’il y a quelque chose qui cloche. Point. Nous nous mettons en quête d’une aide. Angelo n’est malheureusement pas chez lui et Juniorinho est toujours quelque part en train de travailler, introuvable. C’est à quelques maisons de là, chez un voisin concurrent d’Angelo que nous trouvons de l’aide, en la personne de John. L’homme écoute notre problème, demande où est le van et, sans détours, attrape une paire de pinces crocodiles et saute dans son 4x4 pour nous apporter son aide. Arrivé devant la dépouille de notre véhicule, en praticien mécanique, il diagnostique : « C’est la batterie, à tous les coups. Mais il faudrait savoir où elle est ». Alors on soulève le siège passager pour la lui montrer. Il réplique aussitôt : « Non. Ca s’est le filtre à air. » … ok. Il appelle alors un de ses fils qui a un van et apprend que la batterie se trouve à l’arrière (sous le van en fait mais accessible de l’arrière). Après avoir tenté de démarrer le van en lui faisant dévaler une pente, sans succès, il joint la batterie de son véhicule et la notre. Un essai. Le moteur se met en route !! Opé. Ouf, le problème n’était pas si grave que ça, « Votre batterie était complètement vide, nous dit John. Avant de partir, laissez-moi juste vérifier un truc ». Il ausculte notre batterie, dévisse des bouchons et nous dit qu’il n’y a presque plus d’eau. Il nous faut la remplir avec de l’eau distillée (qui a dit « Low Battery ? »), chose à laquelle nous n’aurions jamais pensé. C’est la première leçon que nous avons reçu : dans les grosses caisses, clair qu’il faut mettre de l’eau dans la batterie, sinon ça cymbale (rigolez tout de suite à ce calembour ou votre photo de rayons X va ressembler à un tas de branches dans un sèche-linge !). Là-dessus, nous remercions John a qui nous devons de nous avoir sortis de la panade, sans rien nous demander. Nous lui proposons de lui payer un verre un de ces jours. Il sourit, nous dit qu’il ne faut pas abuser du Whisky, et s’en va simplement à bord de son 4x4 en nous souhaitant bonne chance pour la suite. Quelle humilité, quel héros ! Voici la deuxième et plus importante leçon qu’il nous a donnée : il nous a apporté son aide sans hésiter une seconde, sans faire attention au fait que nous soyons étranger, que nous travaillions chez un concurrent, sans rien nous demander en retour et en souhaitant le meilleur pour la suite de notre voyage. En un mot, c’es ce qu’on appelle la générosité, une leçon de vie fondamentale qui n’a pas manqué de nous traverser. Une valeur essentielle qu’on souhaite pouvoir être commune à tous les êtres humains. Qui devrait l’être en tout cas, puisque nous vivons tous ensemble. Générosité et solidarité sont les mamelles du destin.

Au milieu de la troisième semaine de taf, Angelo modifie nos horaires pour les faire coïncider avec celles des asiatiques qui s’avèrent être, tous sans exception, des cambodgiens. Dorénavant, le travail débutera tous les jours à 6h ("de bon matin-hin-hin youpi matin youpi ! ") jusqu’à 15h3O, ce qui nous fait 3Omin de boulot en plus par jour. Le but de la manœuvre est de nous faire travailler ensemble pour gagner du temps. Nous nous retrouvons alors à cinq sur la même machine prêts, cette fois-ci, à couper des pommes ou pour être plus précis des Pink Lady. En dehors de nous, l’équipage se compose de Mianeka (tous les prénoms cambodgiens cités sont phonétiquement corrects mais orthographiquement très approximatifs !) et Rân, deux femmes ayant la quarantaine bien tassée ainsi qu’un homme, Phanew, qui arrive sur ces 30 ans. Les premières heures de travail sont laborieuses, le temps que nous nous synchronisions mais très vite un rythme de croisière se créé. Seul léger désaccord, c’est que nous trouvons d’un intérêt proche du néant leur besoin d’épousseter régulièrement et de fond en comble l’engin qui est, comme toute machine agricole qui se respecte, invariablement sale. L’ambiance est bonne et les discussions s’engagent facilement. Nous apprenons ainsi que Rân a fui le Cambodge il y a un peu plus de 30 ans à cause du régime sanguinaire des Khmer Rouge de Pol Pot pour se réfugier en Tailhade.  Elle n’est pas retournée par la suite dans son pays car entre-temps Le Vietnam avait renversé Pol Pot pour former une coalition gouvernementale vietnamo-cambodgienne. Elle a donc décidé de partir tenter sa chance en Australie où elle vit maintenant depuis une vingtaine d’années. De son côté, Phanew est là pour améliorer son anglais (tout en se faisant un peu d’argent) afin de finir ses études d’avocat en Australie. Il est toujours de bonne humeur et aime chanter des airs cambodgiens. Cela nous rappelle parfois fortement la chanson Crazy Indian de l’inimitable Benny Lava. Manquerait plus qu’une bonne koréegraphie pour s’y croire véritablement! Après quelques jours, un nouveau membre rejoint l’équipe. Il s’agit de Tanyo, le fils de Rân qui  vient tout juste de terminer ces examens pour l’équivalant australien du baccalauréat. Il vient se faire un peu d’argent avant de partir dans deux semaines avec sa famille passer les fêtes de fin d’année au Cambodge. Mais au bout de trois jours seulement il abandonne à cause de la trop forte chaleur. Ca fera dire à Angelo : « Ah ces jeunes garçons australiens, ils ne savent pas tenir la marée ! ».


Phanew


Cheveux aplatis blondissant et barbes hirsutes… Merci la semaine de travail à 54h !

 A la pause de 1Oh les cambodgiens déjeunent tandis que nous nous ne prenons qu’un encas en attendant midi. Ils ne peuvent s’empêcher d’insister pour nous faire partager leur repas. Assis en ronde, chacun dispose ce qu’il a apporté au milieu et tout le monde se sert comme il l’entend. Convivialité et partage y sont les maîtres-mots. Nous goûtons avec joie, non sans une certaine gêne devant une telle générosité désintéressée, ces mets locaux qu’ils ont eux-mêmes préparés. Rien à voir avec la bouffe toute faite que l’on trouve dans les supermarchés ou celle que nous avions goûtées à bord de l’avion Korean Airlines. Nos papilles s’émoustillent devant ce panel de saveurs, le plus souvent oubliées par notre régime alimentaire australien très souvent basique. Notre palais découvre même de nouveaux aliments (comme cette racine salée d’une plante dont nous ne connaissons pas le nom) ou certains assaisonnements succulents mais pour le moins épicés ! La simplicité et l’humilité avec laquelle ils donnent sans réfléchir à des gens qu’ils connaissent à peine forcent le respect. Nous sommes à des années lumières de ce que l’on observe généralement dans nos contrées occidentales. Au cours de ces repas, le nombre d’individus est fluctuant selon qu’il y ait ou non d’autres travailleurs près de nous. On découvre au fur et à mesure de nouvelles personnes dont l’une d’elles se prénomme Tahnt Sôh, ce qui veut dire littéralement "Lundi Vendredi" ! Pas besoin de parler cambodgien pour comprendre que les blagues fusent sur son nom  (« C’est lui aussi un cambodgien - Tiens donc ? – Oui – Encore ? – Angkor. ») ! Certains d’entre eux parlent des bribes de français appris en cours. On a alors le droit à chaque fois à des : « Comment allez-vous ? » ou à des phrases totalement hors contexte du style : « Il y a le poisson dans l’eau » sur un ton joyeux. En tout cas, ils sont toujours de bonne humeur et ça rigole tout le temps. Le soleil, de son côté, continue de taper très fort en cette fin du mois de Novembre. Ce qui est drôle c’est que tous les cambodgiens portent un maximum d’épaisseurs pour éviter que leur transpiration ne s’évapore et qu’ils puissent êtres rafraichit par les courants d’airs alors que nous au contraire nous essayons d’avoir le moins de couches possibles. Avec leur accoutrement, pratiquement aucun centimètre carré de peau n’est visible lorsque le soleil est à son zénith si bien qu’ils ont l’air de sortir tout droit de la bd Desert Punk. Ce qui est sûr, c’est que ce beau temps et la répétitivité du boulot nous donne de plus en plus l’envie d’en terminer au plus vite. Certains moments de la journée, quand on en a marre ou qu’on est trop crevé pour réfléchir, on pédale complètement dans la choucroute (ou autre spécialité culinaire de votre choix) niveau rendement. Le besoin de vacances et d’évasion devient pressant !

Rân et Mianeka

 
Pause 10h

Racine salée en forme de têtard végétal


 Rân et Mianeka en mode Desert Punk


Engins au design gunnmique !

            Lorsque la dernière semaine arrive, un sentiment de plaisir non dissimulé se fait sentir. D’une part parce que nous ferons les cinq semaines de taf comme prévu et d’autre part ça annonce notre retour sur les routes australiennes. Comme nous avons dépassé les 10000 km, nous partons à la recherche d’un garage pour faire la vidange du van et changer les filtres. Une fois la vidange faite, le mécanicien nous apprend qu’il y a : « Un roulement dans le moteur » et que : « Ca sent pas bon pour nous ». Nous lui demandons si malgré tout le van tiendra jusqu’à notre retour sur Melbourne et sa réponse : « Peut-être que oui mais peut-être que non » nous rassure qu’à moitié ! En tout cas, on croit en nos chances. Du côté du travail, comme Rân est partie au Cambodge pour les vacances, Laye, la tante de Phanew, la remplace pour quelques jours. Pour aller plus vite et être dans les temps pour le ramassage des fruits (ce que l’on nomme le fruit picking), Juniorinho, de son véritable nom Gavin apprenons-nous, se joint à nous. Bien qu’il soit continuellement là et qu’il soit le "small boss" de l’exploitation (dixit Phanew), l’ambiance reste toujours aussi légère. Juniorinho impose un certain rythme mais ne se prend pas la tête pour autant. On lui demande s’il est possible d’acheter ses fruits pour pas cher et hop le lendemain on repart avec une caisse remplie de pommes juteuses offertes par la maison. De même, il décide de nous graver sur cd la musique qu’il nous fait découvrir, il propose qu’on prenne les pièces de son van délabré qui manquent au notre pour son bon fonctionnement (ce qui est le cas), il nous indique un lieu tout près pour aller se baigner et bien d’autres services qui permettent de nous sentir plus relax et plus pôoosé après le boulot. C’est notre "Huggy les bons tuyaux" en somme, qui nous aide à nous mettre au vert.

 Gavin, Le petit pédestre



Hum … est-ce que les fruits d’Angelo sont les meilleurs ?


Si … Cé vré !


Une panne de moteur le jeudi de la dernière semaine nous offre un après-midi de libre. Juste de quoi nous préparer pour aller au pot de fin d’année de la classe de Reynir et de fêter ça comme il se doit. « On prend la route de South Perth histoire de prendre un peu l’air… Que des visages amicaux, des gens gentils bien comme il faut ! ». Nous roulons donc jusqu’à ce que nous aPerthevions la Curtin University of Technology. On retrouve nos amis scandinave dans une salle bondée où sont exposés leurs projets finaux (design produit, photographie, etc.). Au passage Reynir reçoit le premier prix pour son projet. Au milieu des conversations qui fusent dans tous les sens, avec des gens d’un peu partout dans le monde (japonais, mauriciennes, Australo-belgo-anglais, chinois, etc), du vendeur de barbapapas, des talons aiguilles et des smokings-cravates, s’ajoutent des petits fours (avec fromages, s’il vous plait, enfin !) et l’apéro offert à volonté. Ca fait plaisir de passer une bonne soirée dans une ambiance mondaine mais festive qui nous sort de notre quotidien au verger.

 Reynir et sa copine


 Reynir (award en main) et Karl


 
Hup hup hup ... Barbatruk. Voici le faiseur de mousses sucrées.


Reynir et Guillaume et Quentin (de Gauche à Droite, notez)


Le dernier jour de boulot nous attend. Ouvrant des paupières difficiles à décoller, on s’acquitte dûment de notre tâche, et on dit au revoir à Angelo. On se donne rendez-vous pour revenir travailler fin décembre si possible. On passe par l’aéroport le lendemain pour prendre une copine qui va nous accompagner pendant trois semaines de vacances bien méritées.




 Photo bonus (hé oui, Mac Donald l'a fait. Merci Ronald !)

 
Do you like Fishsticks ?