Kalgoorlie, Western Australia State, Australia
L’état désastreux de la route reliant directement Uluru à Perth nous oblige à revenir sur nos pas. Ainsi, le retour le long de la Stuart Highway, direction Adélaïde se fait à vitesse grand V. A vrai dire, nous multiplions plutôt les heures de conduite jusque tard dans la nuit, ce qui nous vaut un soir quelques montées d’adrénalines dues un nombre incroyable de kangourous traversant inopinément la route dans des mouvements totalement browniens. Les panneaux avertissant de leur présence sont ici à prendre au sérieux. Arrivés à Port Augusta, nous prenons enfin la direction de l’Ouest pour nous rendre sur Perth en longeant la côte sud de l’Australie. La route que nous empruntons, longue de près de 2400 kms, équivaut à relier Paris-Moscou !
Nous traversons au début bon nombre de villages côtiers. La vie semble paisible ici, à l’abri de la course effrénée et ininterrompue à la rentabilité des grandes villes. La pêche y reste l’activité favorite comme nous pouvons le constater lorsque nous arpentons les longs pontons s’enfonçant dans les baies aux eaux bleues et cristallines. Dans ces eaux peu profondes, une faune hétéroclite (dauphins, lions de mer, requins, huîtriers pie, etc.) forment une biocénose peu ordinaire pour nous autres vendéo-bretons. Et c’est aux abords d’un pittoresque petit village de pêcheur que nous assistons à un spectacle inédit : un groupe de pélicans taquinant le mulet de leur poche extensible qui aspire l’eau et retient prisonniers les poissons. Une première frayeur concernant le van vient cependant troubler notre quiétude lors de notre passage à Ceduna, capitale du bivalve. Nous constatons une légère perte d’huile qui nous inquiète quelque peu, d’autant plus que nous avons passé la barre des 8000 km parcourus depuis Melbourne. Après examen du véhicule par un professionnel, la faute incombe (ou bien décombe monsieur Patoulachi, Agene de la paï, avan’ tout !) à la vétusté du moteur qui brule l’huile plus qu’à l’accoutumé. Il va nous falloir surveiller régulièrement le niveau d’huile pour prévenir de futurs problèmes mécaniques. Nous nous remettons en route à l’heure où l’aurore darde ses rayons d’argent à travers les écharpes de brume…
Streaky Bay
Pélican
Le paysage australien n’a jamais été aussi coloré que le long de la Eyre Highway. Le long tapis noir étendu entre Port Augusta et Norseman traverse la plaine de Nullarbor. Celle-ci tient son nom du fait qu’aucun phanérogame ou presque n’y pousse. Nous conduisons toute la journée, l’aiguille rivée sur 2500 tours/min, les yeux sur le goudron soufflé comme du verre par la chaleur accablante, miroitant les camions venant vers nous, au loin. Le flow de Method Man, la guitare de Lonnie Johnson, la voix gutturale de Joe Duplantier et le roots de Bob Marley accompagnent les kilomètres. Nous nous dirigeons inlassablement vers l’horizon tiré à la règle qui nous entoure entièrement sans discontinuer. Aucunes hauteurs, aucuns points de repère, et les cardinaux ne sont connaissables que grâce au gros soleil rouge qui se lève alors que la lune pleine et blanche est encore visible exactement à son opposé. Nous nous retrouvons pris dans un monde tendu entre ces deux astres qui se font face. Le globe incandescent monte dans le ciel en diluant dans le bleu un orange intense. Au-dessus de l’horizon, c’est une aquarelle incroyable. Nous avons parfois l’impression d’être au centre d’un tableau aux teintes irréelles.
" Il était flic et il faisait du bon travail. Mais il avait commis le crime le plus grave, en témoignant contre d'autres flics qui avaient mal tourné. Ces flics avaient tenté de l'éliminer, mais c'est la femme qu'il aimait qui avait été touchée. Accusé à tort de meurtre, il rôdait maintenant du côté du Dakota. Un hors-la-loi poursuivant les hors-la-loi, un chasseur de prime, un renégat..."
Aigle
Nouveau contrôle de la douane fruitière aux abords du nouvel Etat
La plaine, que se partagent kangourous, wombats, émeus et dromadaires si on en croit la signalisation, se résume à une mer d’herbes sèches blanchies par les rayons, submergeant la base des arbres dispersés, balayées par le vent qui souffle sans arrêt. Nous avons la chance d’admirer dans la petite bourgade de Nullarbor (pour tout dire, la bourgade se réduit à un motel, un bar et une station essence) le vélo du premier homme à avoir traversé la plaine en 1962. Cette étape est l’occasion de prendre un peu de repos et surtout une douche chaude (!). Une partie de Sho-gi agrémente la pause. Nous remettons nos cache-poussière, façon Le Cheyenne. Et puis nous repartons.
Dromadaire, kangourou, wombat
Pause Sho-gi
Le soleil décline rapidement le soir. Nous pouvons presque observer son mouvement et nous nous arrêtons pour le voir disparaître derrière la ligne infinie en seulement quelques minutes, posés sur le van. Instants dont on se délecte autant que possible. L’Australie n’a pas une couleur, mais une palette intense qu’elle utilise avec un savoir-faire digne des Dali et des Michel-Ange. Les combinaisons, les mélanges semblent, à notre grand plaisir, sans fin. Elle laisse en nous des images qui ne quitteront plus notre mémoire.
Nous atteignons le bout de cette longue ligne droite vers l’ouest à la ville de Norseman pour remonter vers Kalgoorlie. Il est toujours aussi délectable de traverser les fuseaux horaires comme Philéas Fogg, et de se rendre compte, alors que nous faisons le plein d’essence, que les horloges ont été remontées et que nous sommes arrivés avant d’être partis.