mardi

Tortuga (30 janv. – 09 fév. 2011)

 
 Brisbane, Queensland State, Australia

 
 Capricorn coast

     A peine avons-nous mis les voiles que nous apercevons une tortue d’eau douce perdue au beau milieu de la route et n’osant plus bouger. Toujours prêts à répandre le Bien, Dons Quichottes des temps modernes, nous nous en allons à la rescousse du pauvre chélonien. Un couple de motards a la même idée que nous et fait également demi-tour. Nous arrivons en même temps sur les lieux pour aider cette malheureuse tortue égarée (mais contrairement à d’autres chanceux, Tortue Géniale ne se pointera pas pour nous faire don du nuage magique !). Le reptile est une espèce endémique du nord de l’Australie qui a la particularité de posséder un très long cou. Alors dans une scène façon de 30 millions d’amis, nous remettons la tortue aux motards pour qu’ils la posent un peu plus loin dans un cours d’eau (creek). Ca fait plaisir de voir gens soucieux de leur patrimoine faunistique… Ce bref intermède zoologique passé, nous poursuivons notre route à travers les plaines arides du centre australien, les kilomètres fondants comme neige au soleil, à bord de notre engin paré d’une seconde jeunesse. Enfin, nous arrivons aux Devils Marbles situés à quelques centaines de bornes au nord d’Alice Springs.  La quiétude qui règne sur les lieux n’a d’égale que la bizarrerie du paysage. De larges sandwichs de pierres, des cairns démesurés, des empilements invraisemblables sont éboulés au milieu de la plaine. Il n’y a là que des herbes, en parties brulées, et ces rocs rouges. Vert, jaune, rouge, c’est ça. Nous faisons le tour des billes (euphémisme délicat, remarquez comme c’est beau), grimpons sur plusieurs tas afin de contempler la vue. Ce n’est pas souvent qu’on peut avoir une vue en hauteur sur de vastes plaines sans faire intervenir les lois physiques de la portance ou sans se coller des plumes sur les bras (hein Dédalle ?!). Ce sera la dernière vue des zones désertiques du centre de l’Australie dont nous pourrons jouir car nous faisons route, après cette pause, vers la Côte Est.

 
Tortue au long cou

 Le van avec sa superbe moustiquaire en guise de chemise de nuit. Affriolant non?

 Une partie des Devils Marbles


 Enchevêtrements de billes...


     Pour se rendre sur la côte que borde le Pacifique à partir du centre de l’Australie, les pionniers anglais ne se sont pas trop posés de questions. Paf ! une ligne droite à travers le paysage et qu’importe le relief, la topologie des lieux ou le type de végétation à traverser. Si bien que nous voilà en train de traverser une zone fréquemment soumise aux tempêtes et nous n’y coupons pas, dernier cadeau de notre passage dans le Northern Territory. Nous entrons dans le Queensland, inondés (on a le droit de rire de tout non. Et puis, un brin d’humour ne fait jamais de mal !) de plaisir après tout le bien dont on nous a fait part sur cet Etat. De vastes plaines herbeuses se dressent à perte de vue tout autour de nous. Ce nouveau paysage verdoyant éveille le plaisir des yeux aussi bien que celui de l’odorat. De nombreuses senteurs et parfums, ravissant même les nez les moins délicats, s’offrent à nous. Cependant, les routes sont, pour la majeure partie, fortement abîmées par les inondations récentes. Tout au long du trajet, nous pouvons voir de nombreux travaux de rénovations. A mesure que nous nous approchons de la côte, les voix ferrées se multiplient. Il faut dire aussi que l’exploitation du charbon ici est extrêmement prolifique. Une centaine de millions de tonnes est extraite tous les ans dans cette région de l’Australie (au milieu de toute cette houille, ils sont immergés jusqu’aux c…). Cet hydrocarbure, servant comme carburant, est ensuite acheminé par des trains de plus d’un kilomètre et demi de long ! Les trajets de villes en villes étant conséquents dans ce gigantesque pays, des questions de culture générale sont inscrites sur des panneaux de signalisation suivies par les réponses quelques kilomètres plus loin pour maintenir éveillé le conducteur. C’est plutôt amusant et ça change des nombreux autres panneaux qui essayent de te garder les yeux ouverts en jouant sur le danger et la peur. Nous atteignons finalement les côtes du Pacifique par la ville de Rockhampton et il nous tarde de comparer l’Océan Indien de la côte ouest avec ce nouvel océan où nous ne nous sommes pour l’instant encore jamais baignés. Nous décidons de ne pas nous attarder dans cette bourgade où, disons-le, il n’y a rien à faire. Nous préparons notre plan d’attaque de notre descente jusqu’à Melbourne et nous décollons. Direction tout d’abord à Agnès Water et la « ville de 1770 » par la Capricorn coast. Etrange dénomination, mais riche de significations. C’est ici même, dans ce village côtier qu’en 1770 le lieutenant James Cook, explorateur au service de Sa Majesté, jeta l’ancre, accosta et foula le sol australien (dans cet ordre-là) pour la première fois. C’est-à-dire, vous l’aurez noté vous-même, exactement 200 ans précisément avant la mort de Jimi Hendrix, 217 ans avant notre naissance, 240 ans avant la mort de Ronnie James Dio et donc 240 ans aussi avant la disparition de Walter Frederick Morrison qui transfigura le premier des plats à tartes en frisbee, 228 ans avant que la France ne soit championne du monde de football et bien des années après que le royaume de Logres ne trouve un roi qui sache réunir ses chevaliers pour la quête noble d’une destinée commune (dans le désordre cette fois). Nous parcourons la côte, nous nous baignons dans ces eaux historiques. Ces endroits ont été peuplés bien avant les régions de l’Ouest et ont perdu le caractère sauvage si présent de l’autre côté de l’île. Nous allons également goûter le Pacifique à Agnès Water, spot de surf voisin de « 1770 ». Ses eaux sont très agitées, plus froides et plus salées que celles de l’Océan indien. Nous nous reposons deux jours à cet endroit de la côte avant de poursuivre notre trajet. Prochaine étape : la ville de Bundaberg.


 James Cook a jeté l'ancre dans le coin

     Comme les précédents lieux visités le long de la Côte Est, le paysage côtier de Bundaberg et de ses environs à des accents de piraterie. Et ce n’est pas juste parce que dans cette ville le rhum coule à flot que nous y pensons. La végétation luxuriante, les longues plages de sables fins bordées par de nombreux palmiers ainsi que les multiples escarpements rocheux ajoutent une dimension pittoresque propice à toutes les rêveries flibustières possibles et inimaginables. Nous traversons à pied un morceau de terre entouré par un bras de mer et aussitôt nous sommes transportés sur L’île aux trésors, poursuivis par l’intraitable Long John Silver. Une anse calme et peu profonde en vue et déjà nous imaginons Sir Henry Morgan ou Edward Teach, le vil Barbenoire, retenus ici durant plusieurs jours au mouillage par des vents contraires. Parmi ces nombreuses plages, l’une d’entre elles retient particulièrement notre attention. Il s’agit de la plage de Mon repos (oui oui dans la langue de Molière même ici chez les kangourous) qui abrite le plus grand site de ponte d’œufs de tortues de mer de tout l’Hémisphère Sud !! Chaque année, des centaines de ces animaux viennent une à deux fois par an sur cette plage pour pondre leurs œufs. Le fait étonnant, c’est que ces tortues reviennent sur cette plage, lieu de leur naissance, seulement après 30 ans passés dans l’océan (âge nécessaire pour atteindre la maturité sexuelle) sans que l’on sache ce qu’elles font entre-temps. Pas plus, nous ne savons comment elles arrivent à retrouver leur chemin sans se tromper. Nous nous y rendons donc, à tout hasard, au cas où nous aurions la chance de voir à l’œuvre ces intrigants reptiles. Une fois sur place, nous voyons le long de la plage des groupes de deux personnes s’afférant à creuser des trous là où le sable est en bordure de la végétation. Après discutions avec certains d’entre eux, il s’agit de volontaires qui passent quelques semaines à surveiller les pontes des tortues et à faire en sorte que le maximum de bébés tortues gagnent l’océan. Il faut dire aussi que le taux de survie d’une tortue entre sa naissance et son passage à l’âge adulte est de 1/1000. Entre l’œuf qui n’éclot pas pour diverses raisons physico-chimiques, la tortue qui n’arrive pas à sortir du nid et qui meurt de faim, celle mangée par les crabes ou les oiseaux avant d’avoir atteint la mer et celle avalée par les requins et autres gros poissons une fois dans l’eau, le devenir d’une jeune tortue est bien incertain car sa vie est soumise à mille dangers. C’est bien simple, parmi la centaine d’œufs que pond en moyenne une tortue adulte, la probabilité qu’un seul de ces œufs n’atteignent le stade adulte est d’environ de 10%. C’est pour ça que ces bénévoles mettent autant de soin à faire du suivi d’espèces, comptabiliser le nombre de tortues venant pondre par jour, vérifier les nids etc. Il ne faut pas néanmoins oublier ou minimiser les questions d’ordres écologiques que ce genre de pratique anthropique amène.

 

 

 
     Là encore, la chance nous sourit une fois de plus. Nous pouvons observer une tortue adulte (de l’espèce des Loggerhead) repartir dans la mer après avoir déposée ses œufs sur la grève. De même, nous avons l’occasion de voir de près des œufs d’autres tortues aptes à l’éclosion. Le mieux reste cependant à venir. Nous nous dirigeons vers un nid où les œufs ont éclos dans la matinée. Il reste à l’intérieur du trou une trentaine de tortues qu’il faut se dépêcher de mettre à l’eau. Le responsable qui s’occupe du nid nous prend alors au dépourvu, nous pose cinq tortues dans les mains et nous demande de les aider. Deux secondes plus tard, nous nous retrouvons à courir vers les vagues avec ces quelques tortues que nous nous empressons de déposer à quelques mètres du rivage. Après deux allers-retours, toutes les tortues rescapées sont au bord de l’eau. Avec leurs palmes comme propulseurs, elles foncent (aussi vite que faire ce peut !) vers leur but commun. Il est à la fois marrant et surprenant de voir à quel point ces animaux, nés quelques heures à peine auparavant, ont cette capacité innée de savoir ce qu’ils font et où ils vont sans l’ombre d’une hésitation. C’est peut-être de cela que la tortue tire sa légendaire sagesse. En tout cas, nous sommes heureux d’avoir assisté à ce spectacle et d’en avoir été également des acteurs actifs… Bundaberg offre aussi des sites de snorkelling pour l’observation de la Grande Barrière de corail qui s’étend du nord du Queensland, où elle est accessible que par bateau jusqu’à la limite sud qu’est Bundaberg, où la barrière est très près de la côte. Nous tentons une plongée mais en vain. Il y a beaucoup trop de vagues qui brassent le fond et on ne voit pas à plus de 10cm devant nous. Heureusement que nous avons pu en profiter de tout notre saoul sur la Côte Ouest. 

 Tortue Loggerhead

 Œufs qui n'ont pu éclorent
 "La dernière à l'eau est une poule mouillée!! "




     Nous reprenons la route pour nous rendre à Brisbane. La région située aux alentours de Bundaberg est parsemée de champs de cannes à sucre alignées en rangs serrés, prêts à fermenter le rhum le plus répandu d’Australie qui porte justement le nom de cette ville. Des rails de voies ferrées entourent tous ces champs pour récolter la canne à sucre et la ramener dans les distilleries. Un business énorme est drainé ici. Autrement, plus on roule vers le Sud, plus la circulation est encombrée. Cela faisait longtemps qu’on avait connu pareil densité. Il devient de plus en plus difficile de trouver un endroit paisible (et légal) où dormir. Finalement, nous arrivons à Brisbane, ville de plus d’un million et demi d’habitants. Elle nous apparait très rapidement bien sympathique. D’ordinaire, nous ne sommes pas très féru des grandes métropoles australiennes car elles n’ont pas de passé et semblent par conséquent ne posséder aucune âme qui leur est propre. Pourtant, cela ne semble pas être le cas de Brisbane. Bien sûr, il y a toujours des monuments religieux ou politiques qui sont une imitation vaguement ressemblante et un peu grossière des originaux européens, comme s’il suffisait de construire un réplicat d’un temple grec pour donner une authenticité à la ville. Mais une ambiance cosmopolitaine rafraichissante imprègne les lieux. Tantôt nous traversons des zones très américanisée (comics shop, Starbuck etc.), tantôt nous nous retrouvons dans le quartier chinois que gardent deux divinités shintoïstes... Brisbane brasse une foule de personnes aux origines aussi variées que nombreuses, hantant le centre-ville dans leur errance quotidienne. De nombreuses zones de verdures, parcs et autres jardins botaniques dispatchés un peu partout, des marchés en tout genre, un grand nombre de terrasses de café (rares dans les villes pour ce qu’on en a vu) etc. donnent un caractère très reposant et agréable à la ville. Nous quittons la ville en soirée pour poursuivre notre chemin en direction de la Gold Coast (Côte d’Or) qui semble, aux dires de certains voyageurs que nous avons rencontrés, être l’un des sanctuaires du surf australien et du tourisme balnéaire en général.

 Champ de cannes à sucre entouré par les rails

 
Brisbane



Chinatown

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