mardi

Riders on the storm (19-26 janv. 2011)


Darwin, Northern Territory State, Australia


     Nous quittons Broome sans être encore touchés par la pluie quotidienne mais apercevant déjà l’orage qui sera sur nous dans la nuit. Au loin des éclairs illuminent le ciel de leur lumière grise et saccadée comme celle d’un vieux projecteur cinématographique poussiéreux sur la trame noire des nuages. Nous nous apprêtons à traverser la région du Kimberley en pleine saison des pluies. Les précipitations nous interdisent d’ailleurs l’accès à plusieurs parcs naturels créés autour de gorges et de canyons qui sont pour la plupart inondés et dangereux (tel est le cas des Geikie Gorge). Au fur et à mesure de notre montée, le paysage perd plus encore son aridité et ses deux dimensions pour nous montrer de nombreux reliefs, chaines de collines de pierres rouges, couvertes d’un tapis de graminées verdoyants. Des arbres poussent sporadiquement sur leurs flancs. Les zébus se multiplient sur les bas-côtés, ruminants assoupis qui traversent la voie sans tenir compte des véhicules qui y roulent : l’outback leur appartient. L’air reste pourtant brulant en pleine journée et les départs de feux semblent monnaie courante dans la région à en croire les écriteaux à la sortie des villages indiquant le niveau de risque d’incendie. Un soir que nous nous étions arrêtés sur une aire pour y passer la nuit, nous apercevons sur le mont face à nous une lueur puissante et rougeoyante : il s’agit en fait d’une immense colonne de fumée s’échappant d’un énorme feu de forêt qui a pris plus loin. Nous gardons un œil sur sa progression car l’incendie semble venir vers nous. Il sera finalement stoppé dans la nuit par une pluie d’orage. Le lendemain en reprenant la route, nous observons les pentes en cendres de plusieurs collines. Plus de tapis vert et moelleux, il n’y restait que le sol sec et noir jonché de quelques arbres survivants. Eau et feu, les éléments sont en lutte pour cette région brulée et inondée de l’Australie. Le paysage en vaut la chandelle, la route entre Wyndham et Kununurra est magnifique. Elle nous rappelle certaines estampes fameuses où les montagnes se coiffent de brume.

  
Fuego go ! fuego go !

 El Grotto
           
       Sans hésiter, c’est la pluie que l’on préfère : elle annonce la fraicheur d’une nuit relativement confortable à côté de la fournaise moite habituelle. Elle a pourtant ses mauvais côtés et c’est en arrivant à Kununurra que nous nous en sommes aperçus. Tout d’abord la ville n’a plus du tout accès à internet à cause du violent orage de la veille. Ensuite la route vers Katherine, prochaine ville dans la direction de Darwin, est close pour cause d’inondation sur certaines portions de la route. Pour les mêmes raisons, le lac Argyle, immense étendue d’eau où l’on peut observer des spitting fish, poissons qui crachent de l’eau, est inaccessible, même si l’on nous assure qu’avec la fin de la pluie, les rivières reprennent vite leur lit. Les accotements restent quand même de véritables mangroves, les eucalyptus des palétuviers. Enfin, et même si cela peut vous paraitre accessoire, nous restons comme deux ronds de flanc devant la vitesse à laquelle la moisissure s’empare de nos réserves de pain de mie (hé oui, il n’y a pas de bon vieux pain à la française ici). Notre mal en patience prendre nous devons, nous dit le sage. Aussi, en patience notre mal pris nous avons. Nous décidons d’aller visiter une distillerie de Rhum installée près de Kununurra depuis 11 ans. Pour nous, les portes sont spécialement ouvertes alors qu’elles étaient verrouillées à notre arrivée. Nous avons le droit à une visite personnelle de la distillerie et d’une présentation des processus d’élaboration de l’alcool, depuis la canne à sucre jusqu’aux fûts de chênes. On nous présente la salle où les fûts dans lesquels le rhum vieilli sont entreposés. Les vapeurs parfumées du spiritueux en train de brunir envahissent l’air. Cela faisait bien longtemps qu’on n’avait plus senti de bon rhum. Et celui-ci est particulièrement délicieux. C’est un jugement qu’on a pu entretenir qu’après la fameuse séance de dégustation des produits de la maison que la patronne nous propose en dernier lieu de la visite. Comptoir en bois massif dans un ancien entrepôt en planches, bouteilles alignées par ordre de douceur et quelques verres de dégustation posés devant, nous choisissons les délicieux breuvages dont nous allons nous délecter. Depuis l’esprit de la canne à sucre pur (avant toute maturation en fût qui en fera après au moins deux ans du rhum) au rhum directement sorti du fût sans diminution de son taux d’alcool (72 %) en passant par le meilleur rhum de la distillerie (40 %, médaille d’argent au niveau mondial lors d’une compétition tenue en Californie), un rhum macéré avec de la mangue (succulent !!) et enfin un rhum laissé macéré avec un sirop d’anis (proche du pastis nous dit-elle, plus proche de l’absinthe à notre avis). Ils étaient tous merveilleux. Il faut dire ce qui est, il y a des australiens qui s’y connaissent foutrement en termes de rhum.

 Vouuuus ne passerez paaaaaas !!



         
        La région du Kimberley prend fin là où commence l’Etat du Northern Territory. Nous nous dirigeons vers la ville de Katherine pour s’enquérir des informations à propos de la météo et de l’état des routes. Normalement, il devrait pleuvoir les prochains jours (c’en est devenu une habitude depuis quelques temps) mais les routes goudronnées sont praticables même pour les deux roues motrices. Nous en profitons pour faire un détour par Katherine Gorge situées dans Nitmiluk National Park. Nous passons alors la journée à faire une randonnée dans les coins les plus reculés du parc. De nombreuses chauves-souris peuplent les lieux et nous avons le plaisir d’en voir par dizaines suspendues aux branches d’arbres, la tête en bas, en plein jour. Parfois, nous marchons dans le lit de la rivière tantôt asséché tantôt gorgé d’eau. Après quelques heures de pérégrinations  à travers une végétation assez dense, nous arrivons devant un trou d’eau au bord d’un pic rocheux. Ce lieu paisible est à peine troublé par le bruit que génère l’écoulement de la petite cascade qui remplit la source d’eau. L’ambiance nous rappelle la forêt sacrée où vie le Dieu Cerf si cher à la princesse Mononoke. Le soir nous retournons à Katherine pour reprendre la route qui mène à Darwin. Des centaines de perroquets sont posés sur les branches des arbres de la rue principale et poussent de longs cris stridents. Le bruit est tellement fort qu’ils couvrent tous les autres et que nous nous entendons à peine parler. Apparemment c’est tous les soirs comme ça ! Beaucoup moins amusant, il en va de même pour une bonne partie de la communauté aborigène. Tous les soirs, nombre d’entre eux sont assis le long des trottoirs complètement ivres. Ce que nous observons dans la ville est malheureusement symptomatique de ce que nous avons déjà eu l’occasion de nous en rendre compte auparavant. Le déracinement des aborigènes face à la pensée et la manière de vivre occidentale, mais surtout la vitesse à laquelle il s’est produit, a entrainé un profond malaise chez ces communautés nous semble-t-il. Nous ne pouvons pas faire grand-chose et nous continuons notre chemin un peu désabusés... 



 


 Brolga

            La nuit, où que l’on se trouve, nous sommes bercés par le chant des grenouilles qui semble ne jamais s’arrêter. Au matin, nous décidons de tenter notre chance en passant par Kakadu National Park. Ce parc, le plus grand de toute l’Australie avec près de 20000 km2 de surface, abrite une flore et une faune hétéroclite (dont bon nombres de crocodiles) ainsi que de somptueux paysages, paraît-il. Sitôt arrivés qu’une pluie diluvienne s’abat sur nous. Pratiquement toutes les routes sont fermées à cause de la saison des pluies. Il ne nous reste plus que quelques coins d’ici-de-là à aller voir et pas des plus fameux. Nous sommes un peu déçus car ce parc est très souvent conseillé d’urgence. Mais bon, on ne peut pas gagner à tous les coups non plus. Au moins, nous avons pu en apprendre plus sur les us et coutumes des aborigènes (comment faire une fricassée de tortues par exemple !). Depuis quelques jours déjà, des portions de routes sont sous l’eau principalement au niveau des floodways (partie de la route située dans un creux facilement inondable), des crues de rivières sont fréquentes si bien que l’eau monte jusqu’au ras des ponts près à débordé sur la route, ce qui ne manque jamais d’arriver. Il nous arrive même parfois de rouler au milieu de marais éphémères. Tout au long du trajet, nous voyons également des gens pêcher carrément sur la route tellement il y’a d’eau autour de nous ! Quelques dingos, plutôt craintifs, traversent en hâte la route. Des oiseaux endémiques de ces zones volètent et se posent un peu partout. Le décor environnant donne ainsi un charme assez irréel à ces paysages tropicaux en saison des pluies. Mais arrivés à quelques dizaines de kilomètres de Darwin, un obstacle de taille surgit devant nous. Sur plus de 800m, la route est inondée avec 35 cm de hauteur d’eau. La voie de gauche n’est pas empruntable alors nous prenons celle de droite en espérant que personne dans l’autre sens n’ait la bonne idée de traverser au même moment. Après une centaine de mètres parcourus, le van ralentit ostensiblement. Malgré le fait que la pédale de l’accélérateur soit enfoncée et que le moteur tourne plein gaz, nous ne dépassons guère les 15 km/h. On se demande alors si on va arriver au bout sans casse. Les secondes sont interminables mais nous parvenons néanmoins de l’autre côté. Ouf ! c’était moins une ! Nous connaissons maintenant les limites à ne pas dépasser avec le van. Comme à chaque fois depuis le début du voyage que nous nous sortons d’un pas mal engagé, nous nous promettons de faire plus attention à l’avenir. Cette fois-ci, il semblerait que nous soyons enclins à mettre en pratique la promesse ainsi faite.

 Katherine Gorge ...

 "Soudain, il y eut un énorme grondement autour de nous. Et le ciel fut rempli de ce qui semblait être d'énormes chauves-souris qui voltigeaient, criaient, et voletaient autour de la voiture. Et une voix cria "Doux Jésus, c'est quoi ces putains de bestioles !" (Las Vegas Parano)

 Wallaby



 Water over road !

            Darwin est une petite ville bordant la mer. Elle se compose principalement de cinq grandes avenues dont la principale, la rue Mitchell, est celle des bars. Il va s’en dire que c’est intuitivement que nous nous y rendons. D’ailleurs ça tombe bien, le lendemain 26 janvier est la fête nationale de l’indépendance australienne. Alors autant fêter ça dans un bar et trinquer à la liberté ! Outre ces lieux de détente, Darwin est une ville qui semble agréable à vivre. La végétation est présente partout et bien que les plages ne cassent pas trois pattes à un canard, la vue est agréable. De nombreux backpackers vivent dans cette ville pourtant si éloignée des grandes mégalopoles australiennes de la côte est. Nous en profitons pour faire un tour dans leur muséum qui s’avère très intéressant. Il contient les expositions habituelles propres à la région : culture aborigène, ossement de dinosaures et autres bestioles ayant vécu dans des temps géologiques forts anciens, une exposition de la faune et flore marines locales et tout un récapitulatif sur l’ouragan qui dévasta complètement la ville il y a plus de 30 ans, photos et interviews à l’appui. Ce qui nous intéresse surtout c’est l’exposition actuelle sur le mythique groupe de rock australien (bien que la plupart des membres soient écossais expatriés en Australie) ACDC. Des vidéos de concerts et d’interviews, des anciennes coupures de presses, des photos inédites, les tenues excentriques du déjanté Angus Young et même la guitare dont s’est servi ce petit frisé sur ressorts lors de la tournée HIghway to hell pour infliger ses riffs secs et incisifs aux oreilles électrifiées des auditeurs de rock du monde entier. On passe un bon moment dans cet univers sex, drug & rock’n roll. Nous avons atteint ici le point le plus haut latitudinalement de notre voyage au pays d’Oz. Ainsi les prochains jours, nous allons redescendre plein Sud avant de bifurquer vers la côte est bordée par l’océan Pacifique. 

 
Le ciel du nord ...


 
Une killkenny à la main ... espece d'enfoiré !

 
C'est par là.

 
 
 hiiiiiiiiiihhaaaaaaaaaaa !

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